L’incroyable saga de la vache montbéliarde

Elle partage avec le lion le titre d’animal-emblème de la Franche-Comté. Pourtant, la vache montbéliarde n’a pas toujours peuplé les pâturages de notre région. En bonne comtoise, elle est issue de nombreux métissages.

Elle promène sa robe « pie rouge » (blanche tachetée de rouge) à travers tous les paysages de Franche-Comté : tête blanche, ainsi que le ventre, les pattes et la queue, oreilles rouges et corps dessiné pour la production laitière, la Montbéliarde n’en reste pas moins une vache « mixte ». Sa capacité à fournir tant du lait, en bonne quantité et qualité, que de la viande lui a permis de conquérir le reste de la France, ainsi que de nombreux pays dans le monde.

Pourtant, il lui aura fallu quelques coups de pouce de l’Histoire, et l’aide de pas mal d’éleveurs et agronomes acharnés (lire encadré ci-dessous), pour devenir la vache franc-comtoise par excellence.

Les AOP Comté, Morbier, Mont d’Or et Bleu de Gex précisent que le seul lait utilisé doit provenir de la race Montbéliarde et de la race Simmental Française. C’est largement la première qui fournit la majorité de ce lait. Le Munster, lui, peut être produit avec du lait de Vosgienne, Simmental, Prim’Holstein ou Montbéliarde.

Quand vinrent les mennonites

C’est en 1708 que tout commence. Comment connaît-on cette date aussi précisément ? Grâce à l’incurie des hommes. Une communauté évangélique, les mennonites, persécutée dans le Canton de Berne voisin, s’installe en pays protestant de Montbéliard. Ces mennonites, pacifistes par conviction religieuse, emportent avec eux leur cheptel bovin.

exécution des mennonites
Exécution des mennonites en 1572 – gravure de Jan Luyken (1685)

La race de Berne, va alors être, au fil des décennies et des siècles, croisée avec les variétés locales, fémeline et tourache. La progéniture, robuste, productive et adaptée à différents climats, se propage vite dans le Haut-Doubs. A l’ère industrielle, dès 1870, les spécialistes parlent déjà d’une « vache comtoise améliorée ».

vache de Berne
Vache de Berne, gravure d’Adrien Tournachon (1856)
in Les races bovines au concours agricole

Race montbéliarde et Herd-Book

Il faudra toutefois attendre 1872 pour qu’on parle finalement de vache montbéliarde. C’est au comice de Langres que l’animal ainsi baptisé sera officiellement présenté. Sous l’impulsion d’un vétérinaire du nom de Boulland et sous la houlette d’un anabaptiste nommé Kholer, la filière s’organise.

La Montbéliarde monte alors à Paris, à l’Exposition Universelle, où elle fait sensation parmi les tenants d’une agriculture moderne. Un peu obnubilés par la question des races, on lui constitue un Herd-Book, sorte de registre généalogique, qui permet à la fois de maintenir les qualités propres à la race et de se prémunir de la consanguinité.

La bataille de la Montbéliarde

Aujourd’hui incontestée dans les paysages de l’AOP Comté, la vache montbéliarde fut, dans l’immédiate après-guerre et au cours des décennies suivantes, l’objet d’une bataille à la fois agronomique et identitaire dans le Jura. Car le paysan comtois tient, depuis la naissance de la première fruitière, à se prendre en main. Ce qui n’est pas du goût de l’administration française. Forte de son inexpérience, cette dernière veut cantonner l’élevage jurassien à la « tachetée de l’Est », petit nom d’alors de la simmental française. Sans doute le pouvoir central espère t-il refourguer la dernière invention de l’industrie agricole : la Prim’Holstein. C’est sans compter sur Emile Richème, un agronome tenant de la sélection linéaire, qui organise la résistance. Ses partisans vont même, un jour, jusqu’à proclamer une république indépendante, constituée de quelques fermes. Finalement, les Claude Pernet ou autre Gaston Bourgeois-République, figure du « socialisme comtois » imposeront aux autorités la montbéliarde au cours des années 1980.

Mécanisation et productivisme

Portée par ses qualités de laitière, mais aussi par ses facultés d’adaptation et la valeur de sa viande, notre vache comtoise se répand un peu partout durant la première moitié du XXème siècle. A partir de 1950, mécanisation oblige, les capacités de bête de trait n’ont plus cours. Les variétés les plus rustiques disparaissent peu à peu.

vache montbéliarde
carte postale ancienne, Diaichottes du Pays de Montbéliard – Metthez à Hérimoncourt

Mise en concurrence avec des variétés de plus en plus productivistes, parmi lesquelles la Prim’Holstein, la Montbéliarde va vite faire figure de résistante. Dans le Jura, tout occupé à la production du comté, elle va même devenir la cause d’une bataille épique (lire encadré ci-dessus) entre les fruitières et le gouvernement français.

Aujourd’hui encore, grâce à sa bonne santé, certains la considèrent comme l’avenir de l’élevage bio. Elle se passe en effet facilement de médicaments et de soins vétérinaires trop fréquents. En plus de nous offrir déjà son lait pour le Comté, le Morbier, le Bleu de Gex, le Mont d’Or ou la Cancoillotte, la vache montbéliarde a un grand avenir devant elle !

Montbéliarde Association
4 rue des épicéas – 25 640 Roulans – 03 81 63 07 30
site officiel

Serge Reverchon
La Montbéliarde – The Cow Miss
de Serge Reverchon
64 pages – 12€
www.serge-reverchon.com

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