Au secours de la Vosgienne, l’autre vache comtoise
Si la Montbéliarde domine les plateaux du Jura, les Vosges comtoises ont, quant à elles, leur propre race bovine emblématique. La Vosgienne aurait bien pu disparaître des Ballons, sans le secours de quelques passionnés.
Grande marcheuse, elle promène sa robe tachetée de noir sur les pentes du massif vosgien, dont elle adore l’herbe, trop acide pour les autres vaches. On la reconnaît facilement à son trait blanc sur le dos, qui lui donne parfois des allures de créature de BD. Et ce personnage fait à nouveau partie intégrante des paysages du Nord de la Franche-Comté.
La belle Scandinave ?
Guerre de Trente Ans, 17ème siècle. Les armées suédoises, alliées du Roi de France, ravagent à la fois le Duché de Lorraine et la Comté de Bourgogne. Elles emmènent avec elles leurs vaches, qui vont, par la suite, s’acclimater au climat et au terroir du massif des Vosges, si proches de leur Scandinavie natale. Une légende ? Vraisemblablement. Car on voit mal ces guerriers féroces trimballer avec eux des troupeaux entiers. Mais surtout, l’armée du Roi de Suède, conduite par Saxe-Weimar, est composé sans doute essentiellement de mercenaires… allemands.
Une hypothèse plus sérieuse consiste à voir dans la Vosgienne une descendante de la taurache, sans doute croisée à d’autres races. Toujours est-il que la Vosgienne a toute les qualités : non seulement elle s’adapte très bien au massif des Vosges et à sa végétation, mais elle est de constitution robuste et demande peu de soins vétérinaires. Surtout, elle est à la fois une bête à lait, à viande et de trait.
Certains pensent que c’est un fromage typique de l’Alsace. Non, le Munster (ou Munster-Géromé), est le pur produit du massif vosgien et des plaines avoisinantes. Il concerne donc tout à la fois l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté. Son AOP s’étend donc sur les départements des Vosges, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle,. Mais aussi les Vosges du Sud, Territoire de Belfort et Haute-Saône, où ses producteurs sont de plus en plus nombreux.
La vache typique de ce fromage, épaulée par ses consœurs Simmental, Prim’Holstein et Montbéliarde, est notre Vosgienne, dont le lait, certes un peu moins abondant, mais équilibré en protéines et en matière grasse, permet de fabriquer les meilleurs munsters.
Faire revivre la Vosgienne
Oui, mais voilà : trois guerres, dont deux mondiales, plus tard, la mécanisation ayant, de surcroît, rendu caduque sa force de traction, les effectifs sont au plus bas. En 1947, elle est tout simplement rayée de la liste des races bovines françaises. C’en est fini de la Vosgienne ? Non, car quelques passionnés vont mettre en place un plan de relance de la race, qui prend son essor en 1977.
Dès 1971, face aux risques de consanguinité liés à une population trop réduite, on introduit la semence de taureaux telemarks (originaires de Norvège) à hauteur de 12% du cheptel : sans doute une persistance de la légende entourant son origine.
Peut-être, en tout cas, est-ce la raison pour laquelle, une fois toutes les 30 ou 40 naissances, un individu aux taches rousses voit le jour. Loin de s’effrayer de cette « impureté de la race », les éleveurs s’enorgueillissent de détenir un tel spécimen.
Le retour de la race vosgienne
Petit à petit, le cheptel passe de 2000 à 5000. Pour atteindre quelques 10 000 têtes aujourd’hui ! Entre temps, la variété de vosgienne plus petite qui peuplait les plaines a disparu, laissant toute la place à une vache de stature moyenne. La Vosgienne est aussi la race la moins nombreuse à bénéficier d’un plan de cartographie génomique (rien à voir avec une quelconque manipulation génétique). Ce qui permet de mieux sélectionner les animaux reproducteurs.
On utilise son lait pour fabriquer le munster (voir encadré) ou le bibeleskaes. Sa viande sert pour le gendarme ou le baeckeoffe. Qu’on se le dise, la Vosgienne est de retour dans les ballons vosgiens d’Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté !