La Franche-Comté, une région (un) peu timbrée

Certains prétendent qu’on peut mesurer l’intérêt d’un Etat pour un sujet au nombre de timbres que sa poste lui a consacré. Autant vous dire les choses franchement : à ce petit jeu, il semble bien que la culture comtoise ne suscite pas un enthousiasme délirant chez les décideurs de la Poste Française.

timbres Franche-Comté
la Franche-Comté mise à l’honneur en 1951, 1977 et 1978

A vrai dire, il est peu de régions de France auxquelles on a consacré aussi peu d’émissions philatéliques. Bien entendu, centralisation oblige, Paris demeure la ville et le département largement privilégiés. Mais même quand l’administration centrale s’attarde sur ses « provinces », la Franche-Comté paraît bien souvent oubliée. C’est donc comme en filigrane que le philatéliste comtois pourra envisager une collection thématique dont sa région serait le centre.

Aux grands hommes…

Mais arrêtons une seconde de nous plaindre. Si on compte parmi les timbres de la thématique Franche-Comté ceux qui commémorent les illustres personnages natifs de la région, il y a sans doute matière à remplir un petit classeur. Certes, plus de la moitié d’entre eux concernent Louis Pasteur (natif de Dole et citoyen d’Arbois, voir encadré) et Victor Hugo (natif de Besançon). La poste française leur a même consacré des timbres d’usage courant, durant les années 1920 et 1930. Rien d’étonnant, quand on sait que ces deux personnalités charnières sont parmi les trois plus citées pour nommer rues, places, avenues et écoles de France (avec de Gaulle).

Pasteur Hugo philatélie
deux natifs de Franche-Comté particulièrement consacrés par la philatélie

Mais d’autres personnages natifs de Franche-Comté trouvent tout de même grâce aux yeux des services postaux. Et ont eu leurs timbres. Jean de Vienne (né à Dole en 1341 et mort à la bataille de Nicopolis). Jean Dagnaux (pionnier de l’aviation, né à Montbéliard). Pierre-Joseph Proudhon (né à Besançon). Hilaire de Chardonnet (inventeur de la soie artificielle, né à Besançon). Les frères Lumière (nés à Besançon). Gustave Courbet. Rouget de l’Isle. Marie François Xavier Bichat (médecin, né à Thoirette). Georges Cuvier (né à Montbéliard). Edouard Belin (ingénieur, né à Vesoul). Le Général Moncey (né à Besançon). Louis Pergaud (né à Belmont). Jean-Léon Gérôme (artiste né à Vesoul). Henri Mouhot (explorateur, né à Montbéliard). Plus récemment, Claude de Jouffroy d’Abbans ainsi que Lucie et Raymond Aubrac (né à Vesoul). Parmi eux, une seule femme : Simone Michel-Lévy, grande résistante, native de Chaussin, dans le Jura.

Louis Pasteur Togo

Philatélie du monde.

Si Louis Pasteur fut à maintes reprises honoré par la Poste Française, la notoriété internationale du savant franc-comtois lui a valu d’affranchir des courriers du monde entier. On retrouve ainsi son effigie au Gabon, au Niger, en Bolivie, en Guinée-Bissau, en Turquie, aux Comores, en Côte-d’Ivoire, en Tunisie, au Brésil, en Inde…. Le pauvre Victor Hugo, pourtant célébré par les postes mexicaines, polonaises, luxembourgeoises et soviétiques, arrive loin derrière. On notera également que le Cardinal Antoine Perrenot de Granvelle, franc-comtois fameux, eut les honneurs d’un timbre émis en 1961… par la Belgique !

La Franche-Comté et les timbres

S’agissant des grandes personnalités, et même si certains oublis mériteraient sans doute d’être réparés (Marcel Aymé, Jean-Xavier Bureau de Pusy, la Madeleine Proust), le compte y est. Ce qui chagrine un peu les philatélistes comtois, c’est le peu de timbres qui ont été consacrés à la Franche-Comté elle-même. Son Histoire, son patrimoine, sa nature, sa beauté, sa gastronomie semblent délaissés. Par rapport à d’autres régions françaises, on est bien loin du compte.

Et ce même si le Lion de Belfort fut parmi les premiers monuments a avoir les honneurs des timbres français (1917). Car pour le reste, la philatélie ne met pas vraiment en valeur le patrimoine franc-comtois, pas plus historique et culturel que naturel. L’horlogerie et son école (1962 et 2005). La chapelle de Ronchamp (1964-65). Le Château de Joux (1965). Le barrage de Vouglans (1969). Arc-et-Senans (1970). L’horloge astronomique de Besançon. L’église d’Audincourt (1981, vitraux de Léger et Barillet). Les cascades du Doubs (1973 et 2007). L’épicéa (2009).

Decaris à Vesoul

Certains, parmi les plus fervents des philatélistes, visitent l’Hôtel de Ville de Vesoul. Un peu comme on part en pèlerinage. La raison ? La fresque qui décore les murs de la mairie et illustre la beauté de la préfecture haute-saônoise. Celle-ci est en effet l’œuvre d’Albert Decaris, artiste français célèbre pour son apport à l’art du timbre.

Decaris Vesoul

Normand d’origine, il a ainsi participé en 1937 à la rénovation de l’ancien hôpital, qui devient alors siège de la municipalité vésulienne. Mais c’est bien pour la trentaine de créations philatéliques qu’il a dessiné pour la Poste qu’il reste à la postérité, dont la célèbre et usuelle Marianne de Decaris, qui fut le timbre de base entre 1960 et 1965.

L’âge d’or des timbres comtois ?

Les choses s’améliorent un peu dans les années 2010 : les Soufflaculs de Saint-Claude, la Villa palladienne de Syam, de nouveau le Lion de Belfort, le cheval de trait comtois, Peugeot et même la gare TGV de Belfort-Montbéliard sont mis à l’honneur. Mais rien sur la gastronomie comtoise : ni le comté ni le morbier, ni même la cancoillotte ou les saucisses de Morteau et Montbéliard n’ont eu leur timbre.

cheval de trait comtois (timbres)
Le trait comtois, RF, 2013 (Élodie Dumoulin)

Alors, bien sûr, la Franche-Comté a bénéficié de trois timbres dédiés, en 1951 et 1977, puis en 1978 pour le tricentenaire du rattachement à la France. Mais c’est plutôt moins que la moyenne des régions françaises. Et c’est d’autant plus regrettable que nos villes n’ont guère été honorées non plus. Arbois (1951). Dole (1971, 2007, 2020). Montbenoit et le Saugeais (1987). Montbéliard (1993). Besançon (2001). Pontarlier (2003). Belfort en 2016.

timbre Arbois
Arbois, RF, 1951 (Pierre Gandon)

Est-ce si grave, me direz-vous ? Oui, si on considère qu’il s’agit d’un symptôme de la façon dont on nous regarde. Bien sûr, aujourd’hui, à l’heure du courriel et des réseaux sociaux, le timbre n’est plus ce qu’il était. Et après tout, on peut maintenant imprimer son timbre chez soi, et même en créer selon ses goûts : l’occasion pour la Franche-Comté philatélique de s’affranchir de la tutelle parisienne ?

MàJ janvier 2023
Depuis la première version de cet article, la Poste Française a mis en vente quelques rares timbres consacrés à la Franche-Comté. En 2021, la fromagerie Bel et la Cascade des Tufs ont eu cet honneur. L’année 2022 consacre Pasteur et le centenaire du Territoire de Belfort. Et c’est tout !

Société Philatélique de Besançon
http://societephilateliquebesancon.org/

Collectionneurs du Pays de Vesoul
https://cpv70.fr/

Amicale Philatélique de l’Est – Belfort
https://aphiest.blogspot.com/

JL Desbois

Autoproclamé vice-président par intérim à vie de la République de Comté-Cancoillotte, JL Desbois est un militant de la cause comtoise, un bon vivant régionaliste qui sait s'ouvrir au monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.