Jules Rimet, FC Sochaux : une autre idée du football

Et si le destin de ce petit jeu collectif, qui se pratique essentiellement avec les pieds et qu’on nomme football, s’était joué, en partie, en Franche-Comté ? Du haut-saônois Jules Rimet à l’aventure du FC Sochaux, on peut se dire que l’apport comtois à l’histoire de ce sport n’est vraiment pas négligeable.

Rien ne prédestinait Jules Rimet, fils et petit-fils de paysans de Theuley, en Haute-Saône, à devenir l’une des figures de l’histoire du sport international. Il va pourtant créer, à force de convictions, l’une des plus importantes compétitions sportives au monde. Rien ne prédestinait non plus Sochaux, petit village près de Montbéliard, à devenir l’une des places fortes du football français. Parcours croisé de deux destins historiques du sport.

Jules Rimet le franc-comtois

Qu’on se le dise : la Coupe du Monde FIFA, l’un des événements médiatiques les plus importants au monde, est née en Franche-Comté. En tout cas, Jules Rimet, le papa de ce rendez-vous sportif incontournable, naquit à Theuley, en Haute-Saône, en 1873. Fils d’un paysan « émigré » à Paris, suite à la crise agricole, Jules grandit auprès de son grand-père, lui aussi agriculteur, en terres comtoises. Il y connaît une éducation catholique, d’un catholicisme que l’on dit alors « social ».

Marqué par cette éducation et cette culture paysanne et franc-comtoise à laquelle il restera toujours attaché, il part rejoindre ses parents pour poursuivre des études parisiennes, son certificat d’études primaires en poche. Elève assidu et brillant, le petit Jules découvre le football dans les rues de la capitale. Il se prend de passion pour le jeu qu’il met très vite en rapport avec ses convictions sociales et pacifistes. Le sport doit être un moyen d’ouverture au monde et d’émancipation de l’individu, le football un vecteur de paix et d’harmonie entre les êtres et les peuples.

Bachelier, Jules Rimet poursuit des études de droit et devient avocat. Dans le même temps, il fonde en 1897 avec quelques amis un club de football qui deviendra célèbre : le Red Star. La même année, toujours avec ses amis « cathos de gauche », il lance « La Revue », un périodique destiné à réconcilié les valeurs chrétiennes et les valeurs républicaines.

Football et humanisme

En effet, et alors que la haine de l’Allemagne grandit sans cesse en France, le jeune Jules voit dans son sport un vecteur du progrès social. Dès le départ, il adjoint à l’équipe de foot du Red Star une section littéraire et artistique. Très vite, il envisage de réunir les peuples au cours de rencontres sportives. C’est ainsi qu’en 1904, il lance l’idée, au sein de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA), l’idée d’une Fédération Internationale de Football Association (FIFA), supposée regrouper tous les passionnés à travers la planète.

L’idée fait florès. En 1908, Rimet et ses amis obtiennent des organisateurs des Jeux Olympiques de Londres la mise au programme d’un tournoi de foot. Malgré l’adversité, et la montée des nationalismes, l’internationalisme du sport fait son chemin. En 1914, Jules devient le représentant de la France auprès de la toute nouvelle FIFA. On connaît la suite : la Grande Guerre, la « boucherie des tranchées », la Der des Ders… Jules Rimet survit et obtient la Croix de Guerre.

football JO Londres
l’équipe britannique, première Championne Olympique de Football (1908)

Naissance du football professionnel

En 1921, Jules Rimet accède à la Présidence de la Fédération Française (FFFA) et de la FIFA. Il peut se réjouir des nombreuses victoires du Red Star. Traumatisé, comme tous ses contemporains, par la Guerre 1914-1918, il rêve désormais d’un football pacificateur. Il se forge également la conviction que ce sport peut et doit devenir professionnel. Certes, Jules porte des conviction de « catho de gauche », comme on dirait aujourd’hui. Mais n’y voyez pas là une contradiction. Car Rimet s’oppose à « l’amateurisme aristocratique » du très réac’ Baron de Coubertin. Le même Coubertin qui assiste au succès des tournois olympiques de foot de 1924 et 1928.

Tout occupé à son rêve de créer une compétition mondiale dédiée au seul football, Rimet garde un œil sur sa Franche-Comté natale. Et il s’y passe des choses. En 1928, Louis Maillard-Salin et Maurice Bailly, deux salariés des usines Peugeot lancent le FC Sochaux. Soutenus par le grand patron Jean-Pierre Peugeot, ils veulent constituer une équipe professionnelle, autour d’un « football exhibition », déjà pensé comme un spectacle. Ils s’inspirent du modèle de l’AS Valentigney, créée en 1926, que Sochaux va bientôt remplacer dans les cœurs des franc-comtois.

Pour Peugeot, le foot de haut-niveau sera professionnel ou ne sera pas. Exit « l’amateurisme marron », où les joueurs sont payés sous le manteau. Exit également le snobisme de Coubertin : si on veut que les meilleurs s’opposent à armes égales, la bourgeoisie ne peut pas s’entraîner davantage que les joueurs issus du peuple, qui doivent travailler à l’usine. Rimet approuve.

Les années 30 du football

En 1930, Jules Rimet touche au but. Il s’est pourtant fâché avec à peu près tout le monde. D’abord, il s’est opposé à l’idée britannique d’exclure de la FIFA les pays vaincus de 14-18. Ensuite, il a imposé une destination lointaine, l’Uruguay, pour la première Coupe du Monde. Le football de Rimet est universel. Bon an, mal an, quatre délégations européennes (Belgique, France, Roumanie, Yougoslavie) font le déplacement, en bateau. Elles rejoignent les Etats-Unis et le Mexique, ainsi que de nombreuses équipes d’Amérique du Sud. C’est le pays-hôte, déjà double champion olympique, qui s’impose en finale face à l’Argentine.

La même année, le FC Sochaux fusionne avec l’AS Montbéliard. Le FCSM naît. Et se lance à l’assaut des premières compétitions nationales. A la Fédération Française, le professionnalisme a le vent en poupe. Le FC Sochaux-Montbéliard organise en 1932 la première Coupe Peugeot, qu’il remporte au Parc des Princes. Mais dès septembre de la même année, la FFFA organise son tout premier championnat de France.

Dans le même temps, Jules Rimet fait tout pour garantir l’indépendance du sport vis-à-vis du pouvoir politique. Et commet sa première faute. Massive. En 1934, il confie l’organisation de la Coupe du Monde à l’Italie de Mussolini. Il prétend que sport et politique n’ont rien à voir : boycott de nombreuses nations, propagande fasciste, triomphe de l’Italie mussolinienne. Le Haut-Saônois paiera longtemps cette erreur.

Le triomphe de Sochaux et de la Coupe du Monde

A Sochaux, par contre, tout va bien. Le club fête en 1935 son premier titre de Champion de France. A la pointe du professionnalisme, qui permet aux joueurs de toute condition de s’exprimer, entraîné par un Uruguayen, le FCSM bat lors de la dernière journée une équipe en pleine ascension : l’Olympique de Marseille. Mais c’est en 1938 que la Franche-Comté du foot triomphe. Non seulement le FCSM obtient un nouveau titre de champion, mais la Coupe du Monde est organisée en France.

FCSM vs OM
en 1935, Sochaux devient Champion de France

Et c’est un succès ! Malgré les gigantesques perturbations internationales, les foules européennes se passionnent pour la compétition. Hélas, les nations d’Amérique du Sud, excepté le Brésil, n’ont pas pu faire le déplacement. La guerre menace tandis que la Squadra Azzura l’emporte au Stade de… Colombes.

Le football de l’après-guerre

Enfin réélu à la tête de la FFFA (qu’il avait quitté en 1942) en 1944, Jules Rimet veut relancer « sa » Coupe du Monde. Du côté de Sochaux, pourtant parmi les premiers clubs professionnels de France, on peine à trouver les financements. Toutes les grandes villes de l’Hexagone veulent leur club, et leurs joueurs de haut-niveau. A Sochaux, on opte peu à peu pour la formation des jeunes talents. Et le FCSM s’installe durablement parmi l’élite. Pendant ce temps, en 1949, l’affaire sarroise bouscule Rimet : farouche partisan de l’amitié entre les peuples, le président de la Fédération Française veut imposer une équipe de la Sarre occupée par la France dans le championnat national, provoquant l’ire des nationalistes.

Pendant la Coupe du Monde 1950, l’Uruguay s’impose à nouveau, cette fois en terre brésilienne, et remporte le trophée, désormais appelé officiellement « coupe Jules Rimet ». L’Angleterre, absente des trois premières éditions, est de la partie. L’internationalisation du football, chère à Rimet, est acquise. Pourtant, le franc-comtois s’oppose à la création de confédérations continentales. L’universalisme, toujours. Et cette passion du genre humain lui vaut d’être proposé au Prix Nobel de la Paix en 1955. Hélas, ses opposants rappellent la calamiteuse Coupe du Monde fasciste de 1930 et sa prétendue discrétion durant l’occupation.

Pelé Jules Rimet
le roi Relé avec une réplique de la Coupe Jules Rimet

Le FC Sochaux, club historique

Jules Rimet s’éteint en 1956. Il aura assisté à la victoire de la RFA en 1954. L’apaisement par le football, après les horreurs de la guerre et du nazisme. Il n’aura pas vu l’avènement du Brésil et d’un certain Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, en 1958. Mais son héritage demeure, jusqu’à nos jours. Ainsi que celui de Maillard-Salin et Bailly.

Car le FC Sochaux-Montbéliard représente désormais une institution du football français. Son centre de formation produit quelques-uns des plus grands joueurs français et permet au club de se maintenir, sinon toujours parmi l’élite, mais en tout cas dans le giron du foot pro. En matière de passé footballistique, seule Marseille tient le menton à l’agglomération de Montbéliard, avec l’OM. Le club phocéen possède, certes, un palmarès bien plus important que le FCSM. Mais avec deux Championnats de France, deux Coupes de France, une Coupe de la Ligue et une demi-finale européenne, les Lionceaux n’ont pas à rougir. La Franche-Comté a offert au football français et international deux de ses pionniers.

FC Sochaux-Montbéliard : site officiel

JL Desbois

Autoproclamé vice-président par intérim à vie de la République de Comté-Cancoillotte, JL Desbois est un militant de la cause comtoise, un bon vivant régionaliste qui sait s'ouvrir au monde.

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