Baume-les-Messieurs, au fond de la reculée

Régulièrement, notre voyageuse comtoise nous fait parvenir une longue carte postale d’un village ou d’un bourg de la région. Aujourd’hui, elle fait halte à Baume-les-Messieurs, dans le département du Jura.

Chers lecteurs, chères lectrices. Si on m’avait dit un jour que j’observerais des crevettes sauvages dans le Jura ! Mais laissons cela de côté pour le moment. Je vous écris donc de Baume, un petit village du Jura. On l’appelait Baume-les-Moines sous l’Ancien Régime, et Baume-du-Jura, sous la Révolution. Aujourd’hui, on dit Baume-les-Messieurs.

Nous arrivons par le Nord. L’occasion de faire une pause au belvédère de Grange-sur-Baume, qui domine la reculée. Oui, Baume-les-Messieurs est lové au fond d’une reculée (lire encadré jaune), phénomène géologique typiquement jurassien qui enserre le village de falaises d’une bonne centaine de mètres de hauteur. Et si nous n’avons pas la chance d’apercevoir le faucon pèlerin qui vit dans les parages, nous disposons d’une vue magnifique et imprenable sur le bourg et son abbaye.

L’Abbaye de Baume-les-Messieurs

abbaye Baume-les-Messieurs
abbaye Saint-Pierre © mairie de Baume-les-Messieurs

Puisque nous parlons de l’abbaye, nous y voilà. Après avoir descendu une petite route, nous faisons face à l’édifice. A en voir l’importance, on comprend mieux le nom du village qu’il domine. Ici, huit siècles nous contemplent ! Car si des traces archéologiques mérovingiennes prouvent que les lieux étaient déjà consacrés avant l’arrivée de Bernon (lire encadré bleu), c’est du 11ème au 18ème siècle que se développe l’architecture de l’Abbaye Saint-Pierre qui demeure de nos jours.

C’est à la fin du IXème siècle que Bernon, abbé de Grigny, fonde l’Abbaye de Baume. Observant la règle de Saint-Benoît, il va y demeurer pendant une vingtaine d’années, avant de rejoindre Cluny, qui deviendra le lieu de propagation de l’influence bénédictine. D’une certaine manière, l’Abbaye de Baume peut être considérée comme la mère de celle de Cluny. Mais c’est bien cette dernière qui deviendra le centre de l’ordre clunisien.

Si les amateurs de vieilles pierres qui nous accompagnent sont subjugués par l’église abbatiale et les trois cours, je reste quant à moi pantoise devant le magnifique ensemble de statuaire bourguignonne du 15ème siècle (lire encadré en bas), en particulier le Saint-Michel attribué à Claus de Werve. Les férus d’Histoire, quant à eux, se passionnent pour les tombeaux de Renaud de Bourgogne (comte de Belfort et de Montbéliard) ou de Jean de Watteville, truculent abbé de Baume au XVIIème siècle.

– le retable

Mais une œuvre met finalement tout le monde d’accord : le retable. Œuvre du 16ème siècle, ce triptyque anversois raconte essentiellement les différents épisodes de la vie du Christ selon que le retable soit ouvert ou fermé. Probablement produite entre 1530 et 1540, cette œuvre appartient au courant dit « maniériste ». Si son iconographie relève essentiellement du Nouveau Testament, on y retrouve aussi des éléments de l’Ancien Testament. Quand on ferme le retable, on observe la vie publique de Jésus et ses miracles. Quand on l’ouvre, le retable raconte l’enfance du Christ, ainsi que la Passion.

le retable de l’Abbaye de Baume-les-Messieurs – © CRRCOA
détail retable
détail du retable – © CRRCOA

Le village et sa reculée

La visite de l’abbaye terminée, nous partons découvrir le bourg de Baume-les-Messieurs. Celui-ci n’a manifestement pas été désigné parmi les plus beaux villages de France pour rien. Ses rues s’étendent le long de la Seille, la rivière à l’origine de la reculée où repose le village. On y trouve de vieilles fermes et des habitats typiques de la région.

cascade des tuffs Baume
la cascade des Tuffs
grottes Baume-les-Messieurs
concrétions dans les grottes de Baume – © Serge Reverchon

La nature à Baume-les-Messieurs

Mais ce qui émerveille en parcourant Baume-les-Messieurs, ce sont ces falaises abruptes. Elles semblent littéralement surveiller le village. Ici, la nature est superbe. Les cascades des tufs en forment comme un point d’orgue. Au printemps, la vigueur de l’eau anime une paroi couverte de végétaux. En hiver, les eaux gèlent, formant des sculptures souvent impressionnantes.

Paysage typique du massif du Jura, la reculée (ou culée en franc-comtois) est une vallée très étroite (rarement plus d’un kilomètre de largeur) au fond de laquelle on trouve une grotte dont la résurgence produit un cours d’eau, à l’origine de ce phénomène géologique. Si le mot est employé dans presque toute la région, les plus spectaculaires reculées (Les-Planches-près-Arbois, Baume-les-Messieurs, reculée de la Loue ou du Lison, culée de Vaux…) se trouvent bien entendu dans le massif jurassien. Elle se termine par un cirque, comme celui où se trouve le village et l’abbaye de Baume.

Et les crevettes, me direz-vous ? On les trouve dans les grottes de Baume. Animaux préhistoriques, les niphargus se nourrissent des déjections des chauves-souris qui colonisent ces lieux. Les grottes formées par le Dard, l’autre cours d’eau de Baume-les-Messieurs, sont aménagées pour les visites sur environ 1km de galeries. On pourra disserter longtemps sur les vertus comparées de la statuaire bourguignonne de l’abbaye et celles, naturelles, des concrétions qu’on y trouve. A Baume-les-Messieurs, l’opposition nature/culture n’a pas lieu d’être. Les deux éléments se mêlent en parfaite harmonie.

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Dans la dernière partie du Moyen-Age, les deux Bourgognes (duché et comté) se partagent les mêmes souverains. Les Grands Ducs d’Occident règnent d’ailleurs sur une bonne partie de l’Europe occidentale, tantôt vassaux du Roi de France, tantôt du Saint-Empire Romain-Germanique. S’il plaît alors aux ducs-comtes de l’Etat Bourguignon de favoriser les art, ils peuvent attirer à Dijon les plus grands maîtres.

Ainsi, Claus de Werve, le Hollandais, auteur présumé du Saint-Michel de Baume-les-Dames, mais aussi Jean de la Huerta, l’Espagnol, ou Antoine le Moiturier, l’Avignonnais, forment avec quelques autres l’école dite de la statuaire bourguignonne, qui rayonnera bien entendu jusqu’en Franche-Comté.

Un splendide ouvrage de Claude Ponsot (photos de Henri Bertand), paru en 2017 et qui lui a valu le prix Lucien Febvre, se penche sur les œuvres de la statuaire bourguignonne en Franche-Comté.

statuaire bourguignonne
Statuaire du XVème siècle en Franche-Comté, Claude Ponsot et Henri Bertand
éditions Meta-Jura, 128 pages, 20 euros – site web

Pour tout renseignement sur Baume-les-Messieurs, vous pouvez vous adresser à l’Office du Tourisme de Lons-le-Saunier. Par ailleurs, l’Abbaye et les grottes fonctionnent de façon autonome. Enfin, un camping municipal accueille les voyageurs.

OT Lons : 03 84 24 65 01 – site web
Abbaye : 03 84 44 99 28
Grottes : 03 84 48 23 02
Camping : 03 84 43 03 67 ou 06 30 19 83 29

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