Le Trésor des Templiers est-il en Franche-Comté ?

Avec le Graal et l’Arche d’Alliance, le Trésor des Templiers constitue sans doute l’un des fantasmes archéologiques les plus puissants d’occident. On parle d’une fortune colossale. Ou d’un secret absolu. Mais saviez-vous que ce fabuleux trésor se trouve quelque part chez nous, en Franche-Comté ?

mise à jour : juillet 2023

13 octobre 1307. Le Roi de France, Philippe IV, dit Le Bel, jaloux de la puissance et de la richesse supposée de l’Ordre du Temple, donne l’ordre à Guillaume de Nogaret de procéder à l’arrestation de tous les Templiers du Royaume. Les chevaliers, garants en Terre-Sainte de la protection des Pélerins chrétiens, sont décimés, victimes de l’ire du souverain français. On les accuse de sorcellerie et de reniement du Christ. L’opération est une pleine réussite, aboutissant au démantèlement quasiment complet de l’Ordre dans l’ensemble du royaume.

Les templiers et leur trésor

Hélas pour le Roi de France, qui convoitait la fortune réputée immense de l’Ordre du Temple, les sommes confisquées dans leurs commanderies apparaissent ridicules. Bien sûr, il s’est débarrassé d’un ennemi politique d’envergure. Bien sûr, il met la main sur d’immenses propriétés foncières. Mais Philippe le Bel, dit la légende, reste déçu : point de trésor mirifique, il faudra se contenter de la réalité.

Mais le mythe de ce trésor, réuni au cours des pillages des possessions musulmanes en Terre-Sainte, va avoir la vie longue. Partout, on parle de sommes colossales et même d’objets fantastiques tels que le Saint-Graal. On raconte des histoires, on émet des hypothèses. On mélange croyances populaires et connaissances historiques pour localiser le fameux magot.

Et l’une de ces histoires, non la moins crédible, pourrait bien situer le mirifique trésor quelque part dans la Comté de Bourgogne, l’actuelle Franche-Comté : une enquête à lire (peut-être?) au second degré.

La piste comtoise du trésor

Et si donc, quelque part sous nos pieds comtois, se trouvait tout ou partie du fabuleux trésor des Templiers ? Qu’il s’agisse d’objets magiques ou de monnaie sonnante et trébuchante, l’important consiste à y croire, même un tout petit peu. Et pour ce faire, quelques indices sérieux viennent étayer l’hypothèse de la piste comtoise du trésor. Car si j’avais été templier, et si j’avais du penser à où mettre mon magot loin des pattes du Roi de France, je l’aurais sans aucun doute planqué hors de son royaume. Et pourquoi pas en Comté de Bourgogne ?

En effet, si, en ce début de XIVème siècle, la Comté s’est rapprochée, sous l’influence d’une alliance entre Othon IV et Philippe le Bel, du Royaume de France, elle relève toujours de la suzeraineté du Saint-Empire Romain Germanique. Bien que rattachée depuis peu au domaine royal, elle abrite une noblesse pour le moins méfiante envers la France des Capétiens.

Des lieux détenus par l’Ordre des Templiers en Franche-Comté, il ne reste malheureusement presque rien. Le temps et les guerres en ont fait leur affaire. Au nombre de neuf, les commanderies templières de la province étaient plutôt nombreuses, et assez influentes. Si la toponymie de Montagna-le-Templier (commanderie de Montagna) ou de Dammartin-les-Templiers (c. de Fay, dont subsiste la grange), ne laisse guère de doutes, l’ordre a également établi ces importants centres à Chantes (c. de Sales), Arbois, Falletans (c. de Dole), l’Etoile (c. de Girefontaine), Vy-les-Filain (c. de La Laine), Saizenay. Celle de Salins-les-Bains demeure sur pied. Et fut inscrite aux Monuments Historiques en 1991. Hélas, lieu privé, elle ne se visite pas. A ces « maisons-mères », il faut ajouter d’innombrables dépendances, qui parsemaient alors la Comté de Bourgogne.

Jacques de Molay

Il se trouve, d’ailleurs, que le premier d’entre ces Templiers, le Grand Maître de l’Ordre, un certain Jacques de Molay, appartient à la noblesse comtoise. Vous avez forcément déjà entendu parler de lui. Selon la légende, et la saga Les Rois Maudits, il aurait causé quelques désagréments à la famille royale de France… en la maudissant sur 13 générations !

templiers Depardieu
Gérard Depardieu incarne Molay dans Les Rois Maudits (2005)

Jacques naît donc à Molay, petit village actuellement situé en Haute-Saône, aux alentours de 1245. Devenu Templier en 1265, il part faire la guerre aux Mamelouks en Terre-Sainte. On n’en sait guère plus. Ce qu’on sait, en revanche, c’est qu’il est élu à la tête de l’Ordre en 1292, grâce au soutien des Templiers bourguignons, du Duché ou de la Comté.

Quand en 1307, Philippe le Bel fait arrêter tous les Templiers, Jacques de Molay fait partie du lot. Sous la torture, il avoue l’hérésie, se rétracte puis avoue à nouveau. Mais jamais, semble t-il, il n’indique l’emplacement où les Templiers auraient dissimulé leur trésor. En mars 1314, il périt sur le bûcher. Non sans avoir lancé, parait-il, sa célèbre malédiction.

Jean et Hughes de Chalon-Arlay, deux templiers comtois

Alors, aurait-il eu le temps, avant son arrestation, de mettre en sécurité le magot templier ? On dit que l’un d’entre eux, Jean de Châlons, soumis lui aussi à la question, aurait avoué que son fils Hughes avait participé à la mise en sûreté du trésor. Au XVIIIème siècle, alors qu’on se passionne pour cette histoire, on raconte même que les Templiers connaissaient l’existence d’un continent de l’autre côté de l’océan et que c’est là qu’ils auraient planqué leurs richesses.

Mais quand on sait que Jean et Hughes sont issus de l’une des plus puissantes familles comtoises, les Châlons-Arlay, on se dit qu’ils auraient été bien inspirés de l’expédier hors des terres du Roi de France, soit dans l’actuelle Franche-Comté. Ce qui, soit dit en passant, serait une sorte de retour aux sources, puisque Calixte II, le Pape comtois (lire encadré) , a largement contribué, en son temps, à la création de l’Ordre. Les indices, je le disais, convergent bien vers notre belle région.

En 1119, est élu Pape, sous le nom de Calixte II, un certain Gui de Bourgogne, qu’on surnommera plus tard « le pape comtois ». Issu de la maison d’Ivrée, qui règne alors sur l’actuelle Franche-Comté, et né au château de Quingey, Calistus II (en latin) démarre alors un Pontificat qui durera un peu plus de cinq ans. Vainqueur de « l’antipape », il encourage la réforme grégorienne ainsi que la reconquista espagnole et l’effort de croisade en Terre-Sainte. C’est sous son règne qu’est fondé l’Ordre du Temple (concile de Naplouse, 1120).

Et la réalité ?

Alors, envie de vous lancer sur les routes comtoises en quête du trésor ? Restons calmes. Car le trésor des Templiers est en fait, on en est (presque) sûr, une légende. Parce qu’il a été largement et effectivement confisqué par Philippe le Bel, parce que chaque huche (la trésorerie locale) de chaque commanderie contenait sans doute finalement une somme relativement modique, parce que, surtout, l’essentiel de la richesse de l’Ordre était sans doute avant tout foncière.

Et que, de toute façon, même en imaginant que la légende du trésor repose sur du concret, il y a fort à parier qu’il ait été disséminé au fil des siècles. Sans compter que rien ne prouve qu’il soit finalement arrivé en Franche-Comté. Mais on a le droit de rêver. Surtout si ça permet de partir à la découverte du pays comtois médiéval…

illustration de couverture:
Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay sur le bûcher, Maître de Virgile, vers 1380 © British Library

JL Desbois

Autoproclamé vice-président par intérim à vie de la République de Comté-Cancoillotte, JL Desbois est un militant de la cause comtoise, un bon vivant régionaliste qui sait s'ouvrir au monde.

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